N'oubliez pas l'amour
N’oubliez pas l’amour quand dans les rues résonnent
Le bruit des bottes en marche et les hymnes guerriers,
Que claque dans le soir le chant des balles perdues
Et que tombent, au hasard, les corps distendus
Des innocents fautifs de vouloir résister
A la folie des hommes, oppressante gorgone.
N’oubliez pas l’amour quand s’amenuise la vie
Et que les souvenirs filent au gré des vents
Que le parent devient charge plus que tuteur
Que s’allonge le temps jusqu’à la dernière heure
Qui use nos tendresses à l’écheveau des ans
Et fait de la vieillesse notre intime ennemie.
N’oubliez pas l’amour devant la main tendue
De celui qui n’a rien que sa honte à offrir
De ne pas avoir su réussir lui aussi
Et d’habiter la rue à défaut d’autre abri
Et que le froid d’hiver un jour viendra cueillir
Aux portes fermées de nos immeubles cossus.