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Une plume et des rêves
11 février 2013

Un amour de perle

Il y a bien longtemps de cela, sur la côte du Ponant, vivait paisiblement un village de pêcheurs. Loin du temps et des querelles des grands seigneurs d'alentour y habitaient quelques familles. A dire vrai, les villageois ne formaient qu'une seule et grande famille tant ils s'entraidaient et s'entendaient à merveille.
Or, un soir de grande tempête, naquit dans l'une des chaumières du bourg, une magnifique petite fille. De mémoire d'anciens, on n'en avait jamais vu d'aussi belle. Son visage était franc, sa peau douce et soyeuse comme une pêche et aussi blanche que la nacre. Ses yeux avaient la couleur de la mer et son sourire ressemblait au lever du soleil sur les vastes étendues océanes. Ses cheveux avaient la finesse d'un fil de soie et la blondeur estivale des blés. Toute l'assemblée la contemplait, ravie d'une si belle enfant. Elle était si jolie que l'on décida de la prénommer Klervi, ce qui voulait dire joyau ou perle.
Cependant, la plus vieille des vieilles, que personne n'aimait beaucoup, s'approcha du berceau. Elle regarda longuement l'enfant et dit d'une voix chevrotante mais forte :
-Ta beauté fera la richesse de nos gens. Mais toi, pauvre enfant, tu le paieras de ta tristesse !
Vite, on se précipita pour faire taire l'importune. Mais comme elle persistait, on la jeta dehors et le vent l'emporta. Les parents de l'enfant se désolaient d'un tel présage. Mais le sourire de la fillette eut tôt fait de leur faire oublier la sinistre prédiction.
L'enfant grandissait en âge, en sagesse et en grâce. Elle faisait la fierté de ses parents et de tout le village. Bientôt vint le temps où il fallut songer à la marier. Pas un des jeunes hommes du clan qui ne voulût tenter sa chance. Tous lui firent la cour. Cependant, Klervi les éconduisit tous.
- Mon enfant, lui dit un jour son père, pas un de ces nobles cœurs n'a su te séduire ? Me diras-tu celui après qui ton cœur soupire ?
Car en réalité, son père l'avait bien compris, la belle avait déjà au-dedans de son cœur, formé le projet d'en épouser un autre : Yann. Le pauvre était orphelin et boiteux. Il vivait à l'écart du village, dans une hutte. Ni riche, ni beau, il n'avait rien pour plaire... sauf sa voix. Lorsqu'il chantait pour elle, le corps de Klervi se mettait à trembler de bonheur. On aurait dit le chant même de la mer. Il lui faisait monter les larmes aux yeux et depuis longtemps déjà, ils s'étaient promis l'un à l'autre dans le secret de leurs cœurs.
Lorsqu'elle eut révélé son vœu à son père, celui-ci se mit affreusement en colère. On aurait dit l'une de ces tempêtes de suroît. Il jura que, lui vivant, il ne consentirait pas à une telle union. S'il était un père aimant et un bon bougre, ce dernier se souvenait au fond de sa mémoire de l'augure de la plus vieille des vieilles. Et comment le boiteux pourrait-il leur apporter cette richesse qui leur faisait défaut ?
La belle jeune fille était obéissante. Elle pleura amèrement sur le cruel destin qui lui refusait l'élu de son cœur. Ce dernier comprit ce qu'attendait le père de son aimée. Or il y avait une légende qui parlait d'une île au milieu de l'océan. Sur cette île, les joyaux poussaient comme ici les cailloux. Il n'y avait qu'à se baisser pour les ramasser. Hélas, ce fabuleux trésor était gardé par deux frères. Et non des moindres puisqu'il s'agissait des deux derniers géants de Cornouaille qui, comme chacun sait, raffolent de la chair humaine.
Résolu à ne pas perdre son amour, Yann décida de tenter l'aventure. Les pleurs de la douce Klervi n'y changèrent rien. La vie sans elle n'était qu'une mort lente et sans cesse renouvelée. Il lui fallait essayer, pour leur bonheur.
Une nuit, il vola une des barques du clan. Un jour passa. La belle scrutait les flots à s'en faire pleurer. Un deuxième puis un troisième jour passèrent. La jeune fille restait prostrée sur la plage à attendre le retour de son bien-aimé. Son père la morigénait. S'il était parti, c'est que finalement il ne tenait pas beaucoup à elle, alors qu'ici même de braves garçons sauraient la rendre heureuse. Rien n'y faisait. Sa joie de vivre et sa beauté pâlissaient.
Une semaine passa et survint une tempête qui obligea les villageois à se tenir cachés dans leurs masures. Quand ils en sortirent deux jours plus tard, ils trouvèrent la plage jonchée de débris. Tous fouillaient pour y trouver quelques objets de valeur quand un grand cri leur fit lever la tête.
La belle Klervi tenait dans ses mains la capeline qu'elle avait offerte à son aimé. Elle se tenait droite, face à la mer, la main crispée sur la précieuse étoffe. Son père se précipita sur elle et se jeta à ses genoux en lui demandant pardon. Il voyait bien maintenant que, par sa faute, sa fille avait perdu celui qu'elle aimait d'un amour véritable. Elle était plus blanche que jamais, ses yeux perdus dans l'immense linceul qui avait englouti Yann. De ce jour-là, elle ne parla plus jamais.
Chaque matin, elle se rendait sur le même rocher dès les premiers rayons du soleil, pour pleurer son fiancé. Son père était obligé d'aller la chercher le soir venu, pour la faire rentrer. Ne s'alimentant plus, sa santé déclina brutalement. Aucun médecin ne put rien y faire et quelques semaines plus tard, elle s'endormit à son tour dans la mort.

Bien des années après, une jeune fille du même village jouait dans les rochers quand son œil fut attiré par un étrange scintillement. Il provenait d'un creux entre deux rocs. Y glissant sa main, elle attrapa ce qui semblait être une perle d'une rare pureté. Traversée par la lumière du jour, sa découverte brillait de mille feux. Ce qu'elle venait de ramasser, vous vous en doutez peut-être, n'était autre que l'une des larmes d'amour versées par Klervi et qui s'était transformée en diamant très pur. Ainsi s'accomplit la triste prophétie de la plus vieille des plus vieilles, la tristesse de Klervi faisait la richesse des habitants du village.

Le père de Klervi comprit alors que pour avoir cherché la fortune, il avait perdu le trésor de sa vie. Il quitta sa maison pour s'installer dans la cahute abandonnée de Yann. Là, il vécut pauvrement le reste de ses années méditant ceci : richesse ni beauté ne donnent la joie. L'amour seul rend heureux.

 

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