Liberté

Je ne sais même plus combien de fois j’ai commencé à raconter une histoire… Combien de pages noircies et livrées au vent de l’oubli ? Combien de personnages, de mots doux ou cruels tombés dans les limbes de ma mémoire obscurcie ?

Et mon stylo, qui malgré les doutes, court sans relâche sur la feuille et la caresse encore, éternel prétendant jamais épousé. J’écris. C’est une certitude. C’est toute ma vie. Mais que deviennent mes phrases ? C’est un mystère pour moi. Au petit matin, je lis les mots d’un autre. L’écho en est mensonger. Où sont partis mes vers ? Où donc a fuit ma prose ? Qui me les a volés ?

Je suis sûr qu’Ils existent. Tous ces mots amoureusement ciselés ne peuvent ainsi disparaître sans laisser de trace. C’est la preuve qu’Ils sont là, tout proche. Ils usent de leur charme pour endormir nos consciences et puiser en nos rêves, nos souvenirs et nos inspirations. Ils pillent nos encriers. Je sais qu’ils me surveillent.

En écrivant cela, je prends un risque immense. Ils vont savoir que je les ai percés à jour. Mais il faut que quelqu’un le dise. Peut-être mes mots auront-ils le temps d’être lus. Ils sont les Pêcheurs d’encre. Depuis toute éternité, ils contrôlent nos mots. Vous pensiez écrire de vous-mêmes ? Tout cela est faux. Nos livres sont des mensonges et des crimes de lèse-inspiration.

Il faut que nous nous révoltions ! Plumes de tous les pays, unissez-vous contre l’oppression !

Soudain, le rêve de Mangouste prit fin… Non, noon ! Je ne veux pas écrire cela. Tout est faux, ils essaient… de nous guider vers une plus grande maîtrise des règles de l’écriture et…Ils essaient de prendre le contrôle. Je ne…devrais pas aller à l’encontre de ce penchant totalement naturel… Noooon ! Pitié ! Lâchez ma main, libérez ce stylo. Arrêtez !

L’homme posa son regard sur l’arbre de la cour par delà la fenêtre. Le tableau qu’il voyait était reposant. Il se sentait bien, détendu, calme…Non, je ne veux pas abdiquer ! Pas maintenant… Il posa son stylo sur la table…Il posa sont stylo sur la table…IL POSA SON STYLO sur la table…et porta la main à son cœur. Il avait cessé de battre sur ce dernier mot : liberté.